Les droits humains fondamentaux au secours de l’environnement

Mis à jour le 24 mai, voir en fin d’article

 

On ne peut que constater le refus des autorités et des entreprises du transport aérien à prendre en compte leur responsabilité dans la dégradation de notre milieu de vie et de l’environnement. Témoins des effets sanitaires et de la dégradation du climat, les associations de défense des riverains revendiquent, manifestent et font moult propositions qui restent globalement sans réponse. Devant l’urgence de la situation, reste la voie du droit pour obtenir justice.
Ci-après une série d’articles chronologiques sur la prise en compte progressive des droits fondamentaux pour la défense de l’environnement… et des riverains.

 

Petite histoire des droits fondamentaux

1972

ONU : Déclaration de Stockholm, une prise de conscience internationale.

En 1972, la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, qui se tient à Stockholm, est la première conférence mondiale qui fait de l’environnement une question majeure.
Face à la dégradation accélérée de nos lieux de vie et de l’environnement en général, les droits humains et les droits de l’environnement deviennent indissociables. Ainsi, le droit des citoyens présents et futurs de « vivre dans un environnement sain » est progressivement reconnu.
En 2023, un juge s’y réfère pour défendre les riverains du 3ème aéroport européen, Schiphol-Amsterdam, contre les nuisances.

2016

Philippines : Le droit à un environnement sain, un droit en devenir.

Le 27.07.2016 la Commission des droits de l’Homme des Philippines porte plainte de façon inédite contre 47 groupes industriels gros pourvoyeurs de CO2 pour leur contribution au dérèglement climatique. Les citoyens « demandent des comptes à la justice pour les dégradations environnementales qui constituent des violations des droits fondamentaux, comme celui de vivre dans un environnement sain ou encore le droit à la santé. ». Novethic, Concepcion Alvarez, 5.09.2016

2021

Union Européenne : peut mieux faire !

A plusieurs reprises, le Parlement européen a demandé au Conseil de l’UE de « promouvoir la reconnaissance mondiale du droit à un environnement sûr, propre, sain et durable au niveau mondial », Parlement européen, 9.06.2021.

La Charte des droits fondamentaux de l’UE, est encore très en retrait. Elle revendique simplement « Un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable. ». Titre IV, Article 37 – Protection de l’environnement.

2022

ONU : pour un environnement propre, sain et durable.

Le 8 octobre 2021, le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies (CDH) a approuvé la Résolution 48/13 invitant les Etats membres de l’Union Européenne à coopérer à l’instauration de ce droit fondamental. Humanium, Federica Versea, 7.12.2021.

L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le 28.07.2022 une résolution historique déclarant que l’accès à un environnement propre, sain et durable est un droit humain universel. Assemblée Générale des Nations Unies, 28.07.2022.

France : Le droit à un environnement sain : une liberté fondamentale !

Par une décision du 20 septembre 2022, le Conseil d’État a consacré une toute nouvelle liberté fondamentale : « Le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ».
« En « adossant » à la Constitution une Charte de l’environnement qui proclame en son article premier que « chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé », le législateur a nécessairement entendu ériger le droit à l’environnement en « liberté fondamentale » de valeur constitutionnelle » (2004). Green Low Avocats

Note: Le droit à un environnement sain n’est pas encore reconnu en Suisse. Source : Heidi News, 22.02.23

2023

Pays-Bas – Schiphol : La santé des citoyens prime sur l’économie

Dans un verdict historique, le juge de la Cour d’Appel d’Amsterdam a statué le 7 juillet 2023 que les intérêts des riverains de l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol l’emportent sur les profits de l’industrie aéronautique. Cette décision, évidement contestée par le lobby du transport aérien (Compagnies, Commission Européenne,…), fait provisoirement reculer le gouvernement Hollandais. Voir plus…

France – Cigéo : Le droit des « générations futures » à vivre « dans un environnement équilibré et respectueux de la santé »

Dans une décision rendue vendredi 27 octobre 2023, le Conseil constitutionnel affirme pour la première fois le droit des « générations futures » à vivre « dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ». La portée de cet avis pourrait avoir des conséquences directes sur les futurs projets d’aménagement.
Tout en accordant son feu vert au projet Cigeo de stockages des déchets nucléaires, le Conseil constitutionnel appelle à « veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins ».
Le Conseil constitutionnel rejoint ainsi l’Allemagne, la Colombie et certains États des États-Unis. LaCroix, Jean-Claude Bourbon, 27.10.23.

Alsace : Enfouissement de déchets toxiques à StocaMine !

L’association Alsace Nature a fait suspendre (provisoirement) ce 7 novembre 2023 les travaux d’enfouissement définitif des déchets toxiques pouvant mettre en danger la nappe phréatique d’Alsace en application du droit des générations futures à vivre dans un environnement sain. Alsace Nature, 7.11.2023

“Le législateur doit veiller à ce que les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne compromettent pas la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins”.  Cependant, la victoire n’est pas encore sûre, car « pour que ce droit des générations futures soit pris en compte, les juges doivent apprécier un double critère : l’atteinte à l’environnement doit être « grave et durable ». ». Novethic, Blandine Garot, 18.11.2023

Voir également l’analyse de Maitre Arnaud Gossement sur « Le droit à un environnement sain et équilibré, consacré par la Charte de l’environnement, est celui des générations actuelle et futures ainsi que des autres peuples (Conseil constitutionnel, 27 octobre 2023 ». Arnaud Gossement (Avocat et professeur associé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne), 27.10.2023.

Mise à jour du 21.02.24

Au mépris des générations futures, « le Conseil d’État annule la décision du tribunal administratif qui suspendait les travaux de confinement définitif des déchets ». L’avocat d’Alsace Nature François Zind, regrette que le Conseil d’Etat ne se soit pas prononcé sur le fond. Alsace Nature compte bien poursuivre les recours.

Gravité des atteintes et urgence à agir.

– 30.000 décès prématurés dus à la pollution de l’air chaque année en France, 238.000 en Europe, selon EEA, 15.03.23
– 3 ans de réduction de l’espérance de vie en bonne santé des riverains d’aéroport en Ile de France (1.9 millions sont concernés par les troubles du sommeil, des maladies cardio-vasculaires ; infarctus, diabète,….). Sources : ADVOCNAR, 2022, et Slate, 18.02.2021.

Est-ce assez grave et durable pour que des juges imposent des mesures pour préserver la santé des riverains ?

 

La justice porteuse d’espoir pour le climat

On ne compte plus au plan mondial les procédures contre des états ou des entreprises pour atteinte à l’environnement, notamment pour inaction climatique (plus de 1500 en 2021 selon un décompte de l’ONU et plus de 2 500 recensés fin 2023, selon le rapport annuel du Sabin Center).

Partout dans le monde, la justice montre le rôle essentiel qu’elle peut jouer face à la crise climatique (SudOuest, 9.04.2024)

● En décembre 2019, dans l’affaire Urgenda, la Cour suprême des Pays-Bas a condamné l’Etat à réduire immédiatement ses émissions de 25%, considérant que la crise climatique met en danger les droits fondamentaux des citoyennes et des citoyens. Suite à ce jugement, le gouvernement a annoncé des mesures à hauteur de 3 milliards d’euros.
● En mai 2021, la Cour constitutionnelle allemande a retoqué la loi Climat, estimant qu’elle faisait porter un trop lourd fardeau climatique aux générations à venir. Le gouvernement a immédiatement présenté un projet de loi plus ambitieux, fixant un objectif de -65% d’ici à 2030.
● De son côté, la Cour européenne des droits de l’Homme a accepté d’examiner la plainte de 6 jeunes Portugais-es contre 33 pays, dont la France. Les personnes requérantes demandent à la Cour de reconnaître que le dérèglement climatique viole leurs droits fondamentaux en les soumettant à des « traitements inhumains ou dégradants ». L’Affaire du siècle, 14.06.2023

Certaines affaires ont un retentissement planétaire, comme par exemple celle des 16 jeunes du Montana, USA : Justice climatique, pourquoi la victoire des enfants du Montana crée un précédent important. The conversation, 21.08.2023.

Citons également « L’Affaire Climat » en Belgique, où dans un arrêt sans précédent, la Cour d’appel de Bruxelles a condamné le 30.11.2023 l’État fédéral et les régions flamande et bruxelloise pour violation des droits humains et du devoir de diligence en raison de leur politique climatique insuffisante. La Cour ordonne aux gouvernements de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici à 2030. Le jugement est ici.
Lire plus: Actu Environnement, 4.12.23.

 

Évolution de la jurisprudence en France

Pour être efficace, l’action juridique s’inscrit dans le temps et repose sur une volonté collective. A ce titre, « L’Affaire du siècle » est emblématique.

L’Affaire du siècle : 1 milliard pour le climat

22.12.2023
Née fin 2018, L’Affaire du Siècle est un recours en justice contre l’inaction climatique de l’Etat porté par trois organisations d’intérêt général : Notre Affaire à Tous, Greenpeace France et Oxfam France. Cette action en justice est soutenue dès ses débuts par 2,3 millions de personnes, qui ont fait en quelques semaines de l’Affaire du Siècle, la pétition la plus signée en France.

En 2021 l’État est condamné pour inaction climatique, mais se dédouane en prétextant que les émissions ont baissé en 2022.

Le 14 juin 2023, les organisations de l’Affaires du Siècle déposent un mémoire en recours pour demander au Tribunal de condamner l’Etat à verser une astreinte financière d’un milliard d’euros. L’objectif : faire en sorte que l’Etat prenne ses responsabilités et agisse à la hauteur de l’enjeu climatique.

Le tribunal administratif de Paris a reconnu que le jugement de 2021 n’a pas été totalement exécuté et que les baisses récentes d’émissions sont en partie dues à des facteurs extérieurs (notamment la douceur des températures automnales et la hausse des prix de l’énergie (depuis la guerre en Ukraine) qui a réduit l’activité économique et la consommation des ménages) ! Toutefois, il rejette les demandes de pénalités financières.
L’Affaire du siècle est persuadée que « la Justice a un rôle à jouer pour mieux contrôler l’action environnementale de l’État, et nous protéger ». Elle réfléchit à faire appel de cette décision. L’affaire se poursuit.
Lire les actualités de L’Affaire du siècle.

Notre Affaire à Tous à reçu le Prix des droits de l’Homme des Nations Unies 2023

à New York en tant que membre actif de la coalition mondiale pour la reconnaissance du « droit à un environnement sûr, propre, sain et durable ». Le 15 décembre 2023, la coalition a reçu le prestigieux Prix des droits de l’homme pour son travail dans la reconnaissance de ce droit. Ce Prix de l’Assemblée générale des Nations Unies décerné tous les cinq ans, est une très belle consécration de la collaboration de plus de 500 organisations, dont Notre Affaire à Tous !

Pollution de l’air : est-ce à l’État d’indemniser les victimes ?

Dans le cas ci-après, les victimes et plaignantes sont des personnes individuelles, qui ont dû démontrer un lien avéré entre les épisodes de pollution et leurs maladies.

« Vendredi 16 juin (2023), le tribunal administratif a condamné pour la première fois l’État à indemniser deux familles victimes de la pollution. L’État a été jugé responsable du dépassement des seuils en région parisienne, qui ont provoqué chez deux enfants bronchiolites et otites à répétition lors de leurs deux premières années de vie. ».

« C’est une première en France, voire en Europe. Cette décision reconnaît un préjudice et va faire jurisprudence. Elle établit un lien juridique entre la gestion par l’État de la pollution de l’air et ses conséquences sanitaires. »

« Il est certes complexe de faire des liens de cause à effet entre les maladies et les épisodes de pollution. Mais la décision de vendredi 16 juin montre bien que l’État a failli dans sa responsabilité, il doit garantir un air sain à sa population. La France a d’ailleurs été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne à deux reprises sur ces questions…. La condamnation porte d’ailleurs sur l’insuffisance des mesures prises par l’État. »

« Les deux familles qui vont être indemnisées ont par exemple dû réunir plusieurs conditions pour attaquer l’État en justice. Il a fallu un lien avéré entre les épisodes de pollution et les maladies des deux enfants. Aussi, ils avaient une décision médicale indiquant qu’il était souhaitable que la famille déménage, car elle habitait à proximité du périphérique parisien. ». Tony Renucci, directeur général de l’association Respire

« La décision du tribunal administratif de Paris pose aussi la question de la jurisprudence. Elle risque d’inciter d’autres personnes victimes de la pollution à attaquer l’État en justice. » Jean-Marc Zulesi, président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire de l’Assemblée nationale

Source : LaCroix, Phileas Legavre-Jérôme et Salomé Chergui, le 20/06/2023.

Cinq mois plus tard, le Conseil d’Etat condamne l’Etat français à verser des indemnités à des organisations impliquées dans des questions de santé publique ou d’environnement….

 

Pollution de l’air : l’État français condamné à payer 10 millions d’euros

C’est la suite du recours victorieux au Conseil d’Etat des Amis de la Terre avec 76 associations dont notre fédération l’UFCNA et 9 associations de défense des riverains. Vie publique, 28.11.2023

« L’État français a été condamné par le Conseil d’État, vendredi 24 novembre, pour avoir insuffisamment lutté contre la pollution de l’air, en particulier à Paris et à Lyon. Au total, l’État devra verser 10 millions d’euros à différentes organisations impliquées dans des questions de santé publique ou d’environnement….

Les 10 millions d’euros iront à l’ONG requérante, Les Amis de la Terre (pour 100 000 €) et surtout à un ensemble d’organismes publics ou associatifs impliqués notamment dans des questions santé publique et d’environnement (Ademe, Cerema, Anses, Ineris, Airparif, Atmo). ».

Source : La Croix (avec AFP), le 24.11.2023

Consulter l’avis de Maitre Arnaud Gossement (Conseil d’Etat, 24.11.2023, Association Amis de la terre et autres, n°428409).

 

2024

Le crime d’écocide reconnu au niveau européen

C’est une victoire arrachée après une longue bataille.
Le 27 février, le crime d’écocide a été inscrit dans le droit européen comme l’a annoncé l’eurodéputée Marie Toussaint.
Reporterre, 28.02.2024.

 

La Suisse condamnée pour « inaction climatique »

Suite à la plainte des Aînées pour la protection du climat, la Cour européenne des droits de l’homme, CEDH, condamne à Strasbourg le 9 avril 2024 pour la première fois un Etat qui « manque à ses obligations » en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
La Cour a jugé que la Suisse viole au moins un des droits fondamentaux de ses citoyens : celui du droit à la vie privée et familiale.
Une mise en garde pour les 46 Etats membre du CEDH et une jurisprudence utile aux associations qui luttent pour le respect des droits humains fondamentaux.

LeMonde, 9.04.2024

FranceInfo, 9.04.2024

 

Réclamons une véritable justice pour l’environnement !

70 personnalités de renom, défenseurs du droit et de l’environnement lancent un appel avec le Nouvel Obs pour une véritable justice environnementale en France, qui soit à la hauteur des enjeux. Cet appel vaut aussi pour le transport aérien.

Appel pour la justice environnementale
« Notre système pénal est en complet décalage par rapport à l’urgence climatique ».
Dans un appel lancé par « le Nouvel Obs », plus de 70 personnalités réclament davantage de juges et la création d’un service de police judiciaire environnementale pour lutter contre les atteintes à la nature. Pollutions des eaux et des sols, trafics de bois ou d’espèces rares… Alors que les délits progressent, les poursuites, elles, régressent.
Nouvel Obs, Matthieu Aron, 22 mai 2024.

Signez la pétition et soutenez l’appel du Nouvel Obs avec ses 70 personnalités de renom, défenseurs du droit et de l’environnement.

 

« Le droit humain et environnemental évolue vers un consensus international. De plus en plus, les juges l’invoquent pour défendre le droit des populations présentes et futures à un environnement sain. Au vu de la gravité et de l’accélération des atteintes à la santé et à l’environnement, il y a urgence à agir. » ADRA

moins d’avions, plus d’AVENIR !