Augmentation du trafic et colère des riverains

La hausse du trafic aérien et les nuisances subies par les riverains font les titres.

  Consultez notre enquête (in)satisfaction auprès des riverains et lisez leurs témoignages en deuxième partie de l’article

Trois reportages courts sur les nuisances sonores et la pollution de l’air engendrées par le trafic en augmentation de l’aéroport Bâle-Mulhouse ont été diffusés sur France Bleue Alsace, TF1 et BFMTV.

La hausse d’activité à l’aéroport Bâle-Mulhouse rend le quotidien des riverains invivable

Les habitants de Saint-Louis subissent ces derniers mois l’augmentation de 9% du trafic aérien à l’aéroport de Bâle-Mulhouse. Une association de riverains envisage une action en justice.
Les riverains de l’aéroport de Bâle-Mulhouse n’en peuvent plus.
BFM TV, Kevin Drouant avec Florent Bascoul, 22/08/2024

 

BFM TV (copie d’écran)

Trafic aérien en hausse, exaspération des riverains

Cela aurait pu être un endroit tranquille, un havre de paix bien mérité pour ces retraités. Seulement, voilà, atterrissages et décollages assourdissants se succèdent tout au long de la journée….
TF1 Le 13h, Philippe Vogel, 20.08.20024

« On arrête nos conversations » :

les riverains de l’aéroport de Bâle-Mulhouse face à la hausse de fréquentation cet été.
France Bleu Alsace, Cédrix Hermel, 12.08.2024


 

Enquête (in)satisfaction auprès des riverains

Alors que l’Euroairport s’approche du record de 2019 (100.000 mouvements et 9,1 millions de passagers avant COVID), l’intérêt des médias pour la vie des riverains des aéroports est amplement justifié. Avec le retour du beau temps et des chaleurs, l’augmentation du trafic est durement ressentie : sommeil perturbé, vie extérieure gâchée, chaleurs et pollution atmosphérique, …

Témoignages des membres de l’ADRA

Cet été, l’ADRA a invité les riverains à envoyer leurs témoignages et émotions concernant l’impact des avions et de l’aéroport sur leur vie quotidienne. Nous résumons ici leurs réactions et apportons quelques précisions techniques et réglementaires 1).

Un repos nocturne non respecté, et une réglementation pas assez stricte
L’interdiction des décollages de 23h00 à 06h00 a été instaurée en février 2023. L’ADRA y a œuvré depuis des années.

Mais comment se fait-il que des avions décolle après 23h00 ?
• C’est en premier une question de définition de l’heure de décollage : sur les aéroports français, ce n’est pas l’instant où l’avion quitte le sol et survole la région, mais c’est l’heure à laquelle il quitte le parking (push-back). Entre les deux moments, il peut se passer 15 à 30mn ! Donc un avion qui quitte son point de stationnement à 22h59 et décolle à 23h15 ne sera pas sanctionné.
• Ce sont ensuite les exceptions prévues par la règlementation. Par exemple les avions des compagnies low-cost qui, pour des raisons « indépendantes de leur volonté » (encombrement du ciel, retard au départ de l’aéroport de destination, météo, incident technique ou sanitaire, etc.), pourront partir en retard pour leur dernière rotation de la journée. Ces avions reçoivent l’accord de décoller après 23h00 et ne seront pas sanctionnés par des amendes
• Certaines compagnies préfèrent payer des amendes, d’ailleurs devenues très onéreuses ; elles préfèrent ces pénalités à une perturbation chaotique de leur plan de rotations ou de leur logistique (Rappel, Easyjet et Wizair ont été condamné par l’ACNUSA à payer des amandes pour plusieurs centaines de milliers d’euros en 2023).
• Les nombreux départs programmés juste avant 23h00. Par exemple ceux des avions-cargos qui attendent leurs marchandises jusqu’au dernier moment, et dont les décollages particulièrement bruyants sont programmés dans le créneau 22h45 et 23h00. Du vacarme après 23h00 assuré pour les riverains.
« Le manque de respect des lois et règles atteint des sommets avec les low-costs. Pas plus tard que lundi, il y a un Wizzair qui a décollé pour Varsovie… A minuit 20… Alors qu’aucun avion ne doit décoller après 23h ! » peste Monsieur FL de Blotzheim.
Oui mais, ce décollage bénéficiait certainement des « circonstances exceptionnelles » qui s’appliquent à l’Euroairport.
Une autre riveraine, Mme MG de Folgensbourg, renchérit : « Ayant habitée une grande ville puis Saint-Louis, j’en suis partie pour privilégier le calme de la campagne… Difficile de dormir avant 23h30 voire minuit. Puis, réveillée au quotidien dès 6h du matin par les avions low cost. Il est tout simplement impossible de dormir les fenêtres ouvertes… ».

L’ADRA réclame des règles de repos nocturnes bien plus restrictives, comme celles en usage aux aéroports de Zürich ou Genève.

Des trajectoires d’envol complexes, pour éviter le territoire suisse
L’accord unilatéral entre la Ville de Bâle (BS) et le Conseil d’Administration suisses de l’aéroport de 1998 limite les envols directs au-dessus de Bâle vers le Sud à 5 par jour entre 7h et 22h et à 10% les atterrissage par le Sud…. Pour ne pas survoler un « territoire plus densément peuplé » ! Par conséquent, les envols vers le sud se détournent du territoire suisse en suivant des trajectoires plus complexes, plus coûteuses en temps et en kérozène, et impactant les riverains français et allemands (Courbe Elbeg, BaSud S, …).
Malgré les actions et le travail de l’ADRA, les progrès sont lents à obtenir. A partir de 2018 le cône des trajectoires des envols Sud a bien été resserré par la DGAC, mais les survols sont devenus davantage impactant pour les communes de Hégenheim et Buschwiller en France.
Ce qui fait réagir Monsieur JLP de Buschwiller : « Il me semble que les dirigeants des pays limitrophes s’investissent beaucoup plus pour protéger leurs populations contre les nuisances du trafic aérien et qu’en France on n’entend aucun député, sénateur etc…. (Paris est loin !!!) s’investir pour un partage des nuisances. Sommes-nous vraiment la poubelle en France ? »

Photo ADRA

Ce n’est pas seulement le bruit, c’est aussi la pollution de l’air que nous et nos enfants respirons
En 2024, le nombre de passagers à l’Euroairport va revenir au niveau des 9 millions, comme avant la Covid. Et les nuisances seront d’autant plus impactantes pour les riverains que l’été a été caniculaire. « Comment profiter du jardin et des beaux jours, comment dormir tranquille la fenêtre ouverte, dans cette situation de bruit incessant » s’interrogent Mesdames CB de Blotzheim et MA de Hégenheim ?

Et la pollution de l’air ? « En essuyant les tables de jardin, j’ai remarqué à quel point les chiffons sont noirs à chaque fois. » poursuit l’une. « Nous voyons la pollution sur nos volets blancs. A Hégenheim, nous sommes éloignés des axes routiers ; il me semble donc que les avions y sont pour beaucoup » écrit la seconde.

Et l’impact sur la santé ? Madame CB de poursuivre « … quand je pense à tous les enfants et familles qui respirent un air chargé de particules fines, une pollution de l’air en partie causés par les avions ».

En effet, l’ADRA a effectué plusieurs campagnes de mesure de l’air dans les communes voisines de l’aéroport, mettant en évidence des valeurs élevées pour les PUF (particules ultra fines).
« Cela me rend triste et me met en colère qu’un aéroport puisse simplement s’agrandir et se développer, avec le soutien de toutes les autorités, sans tenir compte des besoins des riverains » déplorent Mme CB.

Petits, mais bruyants
A cela s’ajoute le bruit des avions de plus petite taille, (Aviation légère : « coucous » de l’école de pilotage (Flugschule Basel AG, FSB) volant à basse altitude et non répertoriés par la plateforme Travis et les statistiques de bruit de l’Euroairport. « Ces petits avions sont très bruyants, lents, volent à basse altitude » critiquent Monsieur FB et Madame CB de Blotzheim, « Pendant les périodes de télétravail, en été, il faut fermer toutes portes et fenêtres pour empêcher le bruit des moteurs de couvrir mes visio-conférences… Dans une zone de forte densité, je ne comprends pas que nos autorités laissent faire » poursuit FB.

L’ADRA est en discussion avec l’école de pilotage de Bâle depuis 2020. Mais les parties prenantes de l’aéroport traînent des pieds et la Charte de l’aviation générale élaborée ensemble n’a pas encore été signée à ce jour. Voir notre article sur l’aviation légère.

Radarbox.com, capture d’écran, 21.08.24

Des politiques qui prétendent lutter pour la planète… mais qui font le contraire
En Alsace, les riverains de l’Euroairport n’ont aucune écoute auprès des élus. Contrairement aux riverains allemands impactés par l’aéroport de Zürich, et qui ont obtenu des changements significatifs grâce au soutien sans faille de leurs élus du Bade-Wurtemberg et de Berlin.
Pour la région frontalière alsacienne impactée par l’Euroairport, les élus, députés et autres politiques régionaux, tout comme les représentants de l’État (préfet et autre) à Colmar et à Mulhouse sont trop éloignés. Ils se satisfont des « mesurettes » inefficaces du Plan de Prévention du Bruit dans l’Environnement, PPBE. Les riverains ne sont pas leur priorité. Seule l’attractivité de l’Alsace et les retombées économiques sont impotrtantes. Et au niveau des communes riveraines, la majorité des élus locaux, dont les projets et subventions dépendent de ceux plus haut, ne relaient pas les plaintes des riverains. « Le déphasage entre la réalité écologique et les actions politiques de croissance infinie est hallucinant » écrit Monsieur TS de Hagenthal-le-Bas.
Aucun élu ne s’est opposé au projet trinational de Nouvelle Liaison Ferroviaire – 460 millions d’Euros-, qui reliera l’aéroport directement aux gares de Bâle et Mulhouse. L’ADRA s’attend à l’acheminement de milliers de passagers supplémentaires, de Suisse surtout, avec en prime plus de bruit et de kérosène. « J’en veux à nos élus et autres préfets qui ne font rien de concret pour que cela cesse » écrit Monsieur FL, riverain, de Blotzheim.

…et une population impactée indifférente, qui ne réagit pas.
« Mais il y a pire encore, déplore Monsieur TS de Hagenthal-le-Bas, c’est l’indifférence générale de la population, même directement touchée par les pollutions », et de continuer « La Régio n’a plus d’attrait pour nous. Nous partirons dès que nous le pourrons, dans d’autre contrées lointaines où les habitants ont su garder leur qualité de vie ! »

L’aéroport se targue d’avoir fait de gros efforts pour réduire le bruit la nuit, mais encore insuffisamment semble-t-il. Il est important de continuer de réclamer auprès de l’aéroport et de nous écrire, mais nous voulons aussi que les nuisances subies deviennent visibles pour ceux qui nous les imposent.

A cet effet, nous avons publié ici leurs contributions et nous ferons remonter leurs doléances à Monsieur le Préfet lors de la prochaine Commission de l’Environnement le 25 septembre.

Venez construire un futur viable avec l’ADRA

L’ADRA, fort de ses adhérents et du soutien de ses fédérations 2), œuvre depuis 1988 pour obtenir des améliorations significatives. Les témoignages nous encouragent et nous inspirent dans la poursuite de la lutte. Leur pertinence, et parfois la véhémence des propos, nous touchent ; Ils sont pleinement compréhensibles et reflètent simplement ce que subissent les riverains.
Pour poursuivre cette dynamique, l’ADRA souhaite renforcer son équipe en accueillant des membres désirant soutenir ses actions de protection des riverains.
Nous contacter

1) L’ADRA avait recueilli leurs témoignages durant l’été caniculaire en 2018 et à la rentrée en 2023.
2) UFCNA, Stay Grounded/Rester sur terre, Alsace Nature