Contamination des eaux souterraines par les PFAS. Conséquences sanitaires et mesures nécessaires.

SOMMAIRE
Pollution des sols et de l’eau
Pollution historique des aérodromes
Pollution des eaux autour de Bâle-Mulhouse
Écoulement des eaux souterraines
Luttes contre la pollution des eaux souterraines
Mélanger l’eau pour diluer la pollution ?
Les coûts de la dépollution
Recherche des responsabilités
Mesures nécessaires et plan d’action
Remerciements

 

RÉSUMÉ
Des cas de pollution des eaux souterraines aux PFAS à travers le monde sont connus depuis quelques décennies. Depuis que les méthodes d’analyses sont plus performantes et que quelques cas emblématiques ont été révélés, notamment au niveau des aéroports, le sujet commence à s’installer dans les médiats à partir de 2023. Début 2024 les consommateurs de l’agglomération de Saint-Louis ont appris qu’ils sont concernés.

Depuis janvier 2024, l’Agence Régionale de Santé du Grand Est, ARS, publie les résultats des mesures des PFAS dans l’eau du robinet (Eau Destinée à la Consommation Humaine, EDCH). L’eau du robinet dans les communes autour de l’aéroport contient une forte concentration en PFAS très supérieure aux limites des qualité. L’eau de l’Augraben est, à certaines périodes, également très polluée.

La limite de qualité de l’eau distribuée au robinet est de 0,1 µg/L (0,1 microgramme/litre). pour la somme des 20 PFAS préoccupants. À Blotzheim l’eau du robinet contient la plus haute concentration en PFAS, soit ~0,4 µg/l. Ces valeurs sont également plus élevées que celles observées dans le réseau de distribution au sud de Lyon, autour de Pierre Bénite, notoirement contaminé par les activités industrielles d’Arkema et de Daikin.

Il est très improbable que la contamination à un tel niveau des puits de captage de Blotzheim, Hésingue et Saint-Louis proviennent de Suisse, car le flux d’eau souterraine et de surface descend du Jura et du Sundgau.
Une possible source de pollution aux PFAS pourrait provenir des mousses anti-incendie utilisées pour des exercices sur sol nu jusqu’en 2015 par les pompiers de l’aéroport de Bâle-Mulhouse. A cet endroit, l’aéroport a construit en 2015 le terminal cargo fret. Nous ne savons pas comment la terre contaminée a été traitée après décapage, ni où elle se trouve aujourd’hui.

À ce stade, il n’est pas possible de confirmer ou d’infirmer le soupçon que l’aéroport est responsable de la pollution. Mais en d’autres lieux, comme à Düsseldorf ou Schiphol Amsterdam, il est avéré que les exercices d’incendie et des accidents ont conduit à une forte pollution du sol et de l’eau avec les mousses contenant des PFAS.

Vu l’ampleur des contaminations et les risques sanitaires liés, il est urgent de prendre des mesures appropriées pour traiter l’eau distribuée. Pour que le consommateur ne porte pas seuls les coûts importants de la dépollution, la recherche du ou des responsables de la pollution est dans l’intérêt de tous.

Alors que nos élus et les exploitants (Paris et Bern) aiment à vanter les avantages économiques de l’aéroports de Bâle-Mulhouse pour la région, cette affaire montre que les activités aéroportuaires engendrent aussi des externalités négatives (bruit, pollution de l’air, GES, artificialisation des sols, gel de terrains, …). Il est urgent d’en tenir compte avant de continuer de soutenir une politique de développement mortifère au lieu de préparer activement la transition écologique. Celle-ci passe raisonnablement par la baisse du trafic.

 

SOMMAIRE

Pollution des sols et de l’eau

En Europe et en France, la contamination des eaux souterraines par les PFAS « polluants éternels », est connue des experts au moins depuis 2016. Aux Etats-Unis l’affaire « Darkwater » a fait grand bruit dès 1999. Le grand public a pu être sensibilisé à la sortie du film éponyme en 2019.

Suite aux révélations d’un cas de pollution majeur dans le Rhône, l’ARS de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a été pionnière en effectuant des analyses suivies des teneurs en PFAS dans l’EDCH.

 

De nombreux sites à haute contamination identifiés en Alsace

« Surnommées les « polluants éternels », les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont des composés chimiques de synthèse ultra-toxiques. Invisibles à l’œil nu, ces molécules sont persistantes dans l’environnement et s’accumulent dans les organismes. Des vestes imperméables aux poêles anti-adhésives en passant par les emballages de fast-food, les PFAS relèvent autant d’usages quotidiens que de secteurs plus confidentiels comme la fabrication de mousses anti-incendie. Couramment utilisés par le secteur industriel depuis les années 50, ils sont à l’origine d’une pollution qui durera des centaines… voire des milliers d’années. » Rue89 Strasbourg, Axelle Auvray, 3 mars 2023.

Carte des sites de contamination aux PFAS détectée et présumée en Europe en 2016. Source LeMonde

 

Carte des pollutions ici et ailleurs
Depuis les années 2000, des analyses des sols et des eaux ont permis d’établir des cartes de la pollution. L’Europe compterait plus de 17 000 sites contaminés, dont plus de 2 000 à des niveaux dangereux.

Carte des sites de contamination aux PFAS détectée et présumée en Europe. Publié par LeMonde, 23 février 2023.
(Source : Forever Pollution Project)

Le rapport de PAN Europe : Le polluant éternel dans l’eau que nous buvons
« Une récente étude exploratoire dans des rivières, des lacs et des eaux souterraines menée par les membres de PAN Europe a révélé des niveaux alarmants de contamination par l’acide trifluoroacétique (TFA-PFAS) dans tous les échantillons analysés à travers l’Europe. » PAN, Pesticid Actions Network
Le rapport édité par Générations futures, 10 juillet 2024.

L’Alsace particulièrement touchée
En Alsace 200 sites ont été répertoriés. Certains font état d’une concentration de PFAS supérieure à 0,1 microgrammes par litre (µg/L). La nappe phréatique, qui alimente près de 80% de la population alsacienne en eau potable, est contaminée et les valeurs limites sont dépassées.

Voir aussi « Polluants éternels : la contamination en Alsace »
Forever Pollution Project, Le Monde, Axelle Auvray, le 3 mars 2023.

Alsace : Pollution massive aux PFAS, ces substances toxiques, éternelles, sont présentes partout
L’Observatoire de la nappe phréatique, l’Aprona, a lancé une campagne de prélèvements sur près de 200 points en plaine d’Alsace. De quoi se faire une idée assez précise de l’étendue du problème. D’après les observations, les PFAS seraient présents dans l’eau depuis au moins une décennie et sur la quasi-totalité de la nappe.
« Les résultats sont assez homogènes sur le périmètre de la nappe d’Alsace….Quand elles contaminent un milieu, elles y restent pour longtemps », observe Baptiste Rey, hydrogéologue à l’Aprona.
FR3 Grand est/Alsace, Vincent Lemiesle, 30/11/2023

  L’eau si précieuse (de la nappe phréatique d’Alsace)
Vidéo sur l’état de la nappe phréatique (14’ du début)
FR3 Grand Est, diffusé le 22/11/2023

 

Les limites réglementaires pour l’eau

L’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) et certaines eaux souterraines (par exemple les eaux brutes pour la production d’eau potable) sont particulièrement sensibles aux pollutions par les PFAS. Dans le cas d’une pollution par des PFAS, les traitements (des eaux contaminées) doivent permettre d’atteindre les objectifs de qualité, par exemple ceux de la Directive (Européenne) n°2020-2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH), ou Directive « Eau Potable ». Cette Directive, dont la limite de transposition par les États en droit interne était fixée au 12 janvier 2023, prévoit que les États garantissent que l’eau potable ne dépasse pas certaines valeurs limites au plus tard le 12 janvier 2026 :
• 0.10 µg/L pour la somme des 20 PFAS préoccupants,
• 0.50 µg/L pour la somme de tous les PFAS.

De plus en France, l’Arrêté du 30 décembre 2022 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des EDCH (NOR : SPRP2221010A) prévoit que depuis le 1er janvier 2023 :
• la limite de qualité pour l’EDCH pour la somme des 20 PFAS préoccupants est de 0,10 µg/L,
• la limite de qualité pour les eaux brutes DCH est de 2,0 µg/L
aida.ineris.fr

 

Toxicologie

Certaines PFAS sont très persistants dans l’environnement, ils sont présents dans la chaîne alimentaire et s’accumulent dans le sang et certains organes de la population générale. On les retrouve quasiment partout.
Les PFAS perturbent le développement fœtal, ils peuvent augmenter le taux de cholestérol, induire des cancers, affecter la fertilité, interférer avec le système endocrinien et immunitaire.
Lire plus sur Wikipédia

Le casse-tête de la surveillance des PFAS dans les eaux
Tout ce qu’il faut savoir sur les Pfas, notamment sur leur présence dans les eaux, leur action et leur surveillance.
Julie Lions Qualité des eaux souterraines, BRGM, Anne Togola Environmental Monitoring Project manager, BRGM
The Conversation, 28.05.24.

 

Pollution historique des aérodromes

Stéphane Horel, journaliste au Monde, a enquêté sur les pollutions aux PFAS dans le cadre de Forever Pollution Project. Elle a participé à l’élaboration de la première carte européenne des contaminations aux PFAS. Selon Stéphane Horel « la grande majorité des hot spots connus et sous surveillance à travers l’Europe sont dus à l’usage des mousses anti-incendie ».
France 3, Bourgogne-Franche-Comté, 26.02.23

L’exemple de l’aéroport de Schiphol Amsterdam

Contamination par PFAS à Schiphol : menace silencieuse pour les personnes et l’environnement. Article écrit par ChatGPT, traduction en ligne. Schiphol Watch, 1.11.2023

« Polluants éternels », carte des Pays-Bas sur la contamination par les PFAS

Le 12 juillet 2008, un système de gicleurs incontrôlable de KLM a provoqué une catastrophe environnementale impliquant des PFAS. Depuis, le poison s’est répandu dans toute la région de Schiphol. Schiphol Watch, 25.04.2024

Polluants éternels : des mousses incendies ont contaminé aux PFAS des bases aériennes et des aéroports
FR3 Bourgogne Franche Comté, Sophie Hienard, 28/02/2023

« Contaminés aux PFAS » : les pompiers en première ligne face aux polluants éternels
Jean-Michel Lahire, L’Alsace, 30.05.2024

Etude sur les PFAS présents dans les mousses anti-incendie et l’eau prélevés à proximité de sites touchés par l’utilisation de ces mousses
RESUME
Pour éteindre les incendies de carburant à grande échelle, des mousses à base de tensioactifs fluorés (FSBF) ont été mises au point dans les années 1960 et sont utilisées depuis lors. Dans cette étude, 154 substances per- et polyfluoroalkyles (PFAS), dont 122 PFAS émergentes, ont été utilisées comme surfactants dans les FSBF.
122 PFAS émergentes utilisées comme surfactants dans les FSBF ont été recherchées dans neuf concentrés de mousse différents. Des enquêtes sur le terrain ont également été menées à proximité de quatre sites où les FSBF sont ou ont été utilisés de manière intensive (deux aéroports, un centre de formation pour les pompiers et un dépôt de pétrole après une forte explosion)…
À proximité des quatre sites étudiés, plusieurs PFAS ont été systématiquement quantifiés dans tous les échantillons prélevés en aval des sites. Les profils des PFAS ont été fortement influencés par des paramètres tels que la composition de la mousse, la voie de transport des PFAS après utilisation (ruissellement, infiltration, décharge directe), le temps écoulé depuis la cessation des activités de lutte contre les incendies, et la présence de PFAS dans le sol.

Les concentrations de PFAS relevées autour des sites étudiés sont les plus élevées enregistrées en France et ont entraîné la fermeture de certaines ressources d’eau potable.

Source : Chemosphere Volume 183, September 2017, Pages 53-61
Per- and polyfluoroalkyl substances in firefighting foam concentrates and water samples collected near sites impacted by the use of these foams (Substances per- et polyfluoroalkyles dans les concentrés de mousse anti-incendie et des échantillons d’eau prélevés à proximité de sites touchés par l’utilisation de ces mousses mousses)
Xavier Dauchy, …. ANSES, NANCY (Traduit avec DeepL.com)

 

En France, la justice s’intéresse aussi aux pollutions par les PFAS

« En mars, les deux industriels (Arkema et Daikin) ont également été assignés en justice au civil par la Métropole de Lyon qui espère voir appliquer le principe de « pollueur-payeur ».
Une première audience devant le juge des référés, à qui la métropole demande une expertise judiciaire pour établir clairement le rôle de Daikin et Arkema dans la contamination des sources d’eau potable par les polluants éternels, a été ajournée mardi à la demande des avocats des industriels. Elle se tiendra finalement le 28 mai.
En 2002, la préfecture a de son côté enjoint à Arkema de cesser d’utiliser des PFAS d’ici la fin de 2024. L’industriel a depuis installé une station de filtration permettant de réduire drastiquement ces rejets. »
SudOuest avec AFP, le 9.04.24

 

Autres alertes

– La pollution de nappes d’eau souterraines par les rejets du site industriel Arkema de Pierre-Bénite, au sud de Lyon (Rhône) ; l’Igedd établit que les rejets s’élevaient à 3,5 tonnes par an, « une situation préoccupante », admet-elle
  Analyses ADES : le site industriel d’Arkema à Pierre-Bénite est fortement pollué (BSS001UPXZ, Eau souterraine, 23/06/2024, Somme PFAS 14977.9 ng/l). Les eaux souterraines environnantes, et par extension l’EDCH, sont globalement dans la limite de qualité de l’eau potable. Voir 3) ARS Auvergne-Rhone-Alpes.
– En Haute-Savoie, c’est l’agglomération d’Annecy qui a décidé de mettre à l’arrêt tous les captages de la principale nappe phréatique de l’agglomération en mars 2023, en raison de sa contamination
  Analyses ADES : BSS001SESZ, Eau souterraine, 07/04/2024, Somme PFAS 397.2 ng/L
– Dans ce même département, la commune de Rumilly a annoncé que les poissons pêchés sur son territoire étaient impropres à la consommation
  Analyses Naiades : NEPHAZ A RUMILLY 3, Eau de surface, 04/01/2024, Somme PFAS 36.7 ng/L.
QueChoisir, 22.02.2024

 

  Pollution récente aux PFAS versus pollution chimique historique

Sur la carte des sites de contamination aux PFAS publiée par LeMonde (voir en 1.), les eaux souterraines à l’emplacement de Novartis à Bâle atteignent la concentration en PFAS de 0,569 µg/L (concentration totale de tous les PFAS détectés dans un seul échantillon).

A cet endroit, il faut souligner une différence de nature entre :
– Les pollutions historiques dues à la chimie du siècle dernier, qui dorment dans le sol, mais que l’on maîtrise relativement bien sur le plan toxicologique.
– Les nouveaux polluants PFAS, qui apparaissent pour l’instant à des concentrations vraiment critiques uniquement là où ils ont été produits, où ils ont été utilisés pour des exercices d’extinction d’incendie ou comme auxiliaires des textiles ou du papier (c’est le cas des PFAS à chaîne moyenne et longue).

Les deux formes de pollution n’ont pas le même niveau d’impact et n’appellent pas les même traitements.

 

Pollution des eaux autour de Bâle-Mulhouse

Analyse des eaux souterraines aux environs de l’aéroport de Bâle-Mulhouse.

L’ADRA fait des recherches ciblées depuis novembre 2023. Les publications de Veolia, de l’ARS en janvier 2024 et du journal L’Alsace le 27 février 2024, sont venues renforcer nos suspicions.

Voir également :
Des « polluants éternels » dans l’eau potable, une situation inédite pour cette agglomération   
France3 Grand Est, Vincent Lemiesle, 1.03.24

● Historiquement, les aéroports ont de par leurs activités pollué les sols et les eaux : voir l’exemple de Schiphol ci-dessus.
● Plusieurs sources de pollution sont identifiées sur les aéroports : poussières, hydrocarbures, résidus de pneus, dégivrants, mousses anti-incendie, fuites d’huiles et de kérozène, … Tous ces produits contiennent des PFAS
● L’Euroairport s’est mis tardivement en conformité avec le règlement de la protection des eaux : installations de recueil, de traitement et d’évacuation des eaux de surface.
● L’Euroairport a utilisé par le passé des produits polluant l’environnement.

L’eau du puits de l’aéroport à Saint-Louis est fortement contaminée. La somme des 20 substances perfluoroalkylées (PFAS, limite 0,10 µg/L) en août 2023 était de 0,39 µg/L (L’Alsace 27.02.24). Ce puits a été fermé en octobre 2023.

 

Comparaison avec Pierre-Bénite (Rhône)

Ces valeurs sont à comparer avec les mesures de l’ARS Auvergne-Rhone-Alpes, qui a fait réaliser dès juillet 2022 près de 600 prélèvements et analyses sur près de 98 ressources destinées à alimenter les réseaux d’eau potable.

L’ARS Auvergne-Rhône-Alpes a surveillé en juillet, septembre et décembre 2022, les PFAS dans l’eau d’alimentation issue des champs captant de la nappe alluviale du Rhône en aval de Pierre-Bénite et jusqu’au Péage de Roussillon et de la nappe alluviale du Garon.
Voir l’évolution des teneurs en PFAS jusqu’en 2024 : Tableau résultats eau de consommation en Auvergne-Rhône-Alpes.

Diminution des taux de PFAS dans l’EDCH
Les valeurs les plus élevés du tableau sont nettement descendues sous la limite d’alerte :
Le puits le plus pollué se trouve à 69360 TERNAY (Rhône) : 0,3248 µg/L le 1.12.2022.
  Il est descendu à 0,135 µg/L le 19.02.2024 et se situe depuis autour de 0,100 µg/L.

Le puits de Rumilly Madrid (Haute Savoie) avec 0.22 µg/L le 8.02.2023, a été fermé.
  Traitée au charbon actif, l’eau est conforme depuis 28.09.2023 (0,0001 µg/L)

  En Isère, la station des Oves, commune de PEAGE DE ROUSSILLON, avait 0,3001 µg/L au 27.06.2022 et 0,0651 µg/L au 28.03.2024.

« Tous les puits en Région ARA les plus contaminés en 2022, ont en juillet 2024 des valeurs autour de 0,10 µg/L et inférieures. »

 

Écoulement des eaux souterraines

L’enseignement de l’aéroport de Dusseldorf

A Dusseldorf, la stratification géologique semble très homogène. Ainsi la migration des PFAS se fait de manière assez localisée. Il est probable qu’elle ne soit pas aussi régulière chez nous, car le sous-sol est beaucoup plus irrégulier et le barrage de Kembs sur le Rhin pousse la nappe phréatique vers l’ouest. Du moins pendant un été sec, quand peu d’eau descend du Sundgau.

On peut déduire avec certitude des données de Dusseldorf, que la contamination peut être très élevée, mais circonscrite (hot spot). Les PFAS migrent sur des centaines de mètres à des concentration > 0.100 µg/L dans le sens de l’écoulement des eaux souterraines. Les valeurs mesurées proviendraient de 160 forages au total et devraient donc être très fiables.

Depuis 2013, un échantillonnage à grande échelle des eaux souterraines est réalisé chaque année à partir de 160 points de mesure des eaux souterraines à Lohausen-Kaiserswerth et sur le site de l’aéroport.

Commentaires de la carte :
– il convient de noter qu’une seule intervention d’extinction a eu lieu, ayant entraîné une pollution (en-bas à gauche)
– La plus grande pollution provient de la caserne des pompiers (au centre). C’est probablement à cet endroit qu’ont eu lieu principalement les entrainements et qu’ont été rincé les citernes et les tuyaux.
– sur l’aire des exercices d’extinction proprement dit, il semble que les dégâts soient moindres (en-haut)

Source : Dusseldorf, Bürgerinformationsveranstaltung zur PFT-Grundwasserverunreinigung Lohausen / Kaiserswerth, 21.04.2016

 

Situation de la nappe phréatique à Saint-Louis

Sur cette carte de la région de Saint-Louis, les grandes flèches montrent l’emplacement des puits de captage. Les petites flèches rouges indiquent le sens théorique d’écoulement des eaux souterraines.

Source APRONA – Ma Commune

Les différentes directions d’écoulement de la nappe indiquées sur la carte sont à considérer avec circonspection. Elles peuvent être soumises à des fluctuations temporaires de direction et de vitesse en fonction des précipitations, ainsi que des volumes et localisations des prélèvements.

Pour tenter de faire un lien entre la présence des PFAS dans l’eau potable distribuée et l’origine de ces polluants, plusieurs facteurs sont à prendre en considération :
– localisation et identification précise des puits
– les valeurs de concentration des PFAS les plus présents dans les eaux brutes de chacun de ces puits
– la date des analyses
– l’identification des molécules des PFAS quantifiées pour les relier à des activités humaines présentes ou passées.

Puits de captage des eaux à Hésingue en bordure de la D105

 

Évolution du site de l’aéroport, impact sur l’eau

Les anciens  se souviennent qu’on attribuait une pollution importante au puits de captage de l’aéroport situé à l’Est des pistes le long de la RD1281.

Jusqu’en 2017, les mousses d’extinction utilisées à l’aéroport pour les exercices d’incendie contenaient des PFAS. Jusqu’en 2015 environ, les exercices étaient pratiqués sur sol nu à un emplacement désormais occupé par le terminal cargo au Sud-Est de l’aéroport dans le périmètre de l’Aire d’Alimentation et de Captage, AAC, à moins de 300 mètres du puits Bodenwasen de Hésingue !
Qu’est devenue la terre décapée à l’endroit de la construction du terminal cargo ?

Place d’exercices incendie (cercle rouge) sur l’emprise de l’aéroport …

de 2000 à 2005,                   … de 2006 à 2010,                    … de 2011 à 2015.

Un ruisseau drainant l’eau des collines sundgauviennes (Liesbach), contourne en contrebas la zone du terminal cargo par le Sud, rejoint la terrasse alluvionnaire à l’Est et descend le long de la Petite Camargue Alsacienne jusqu’à Bartenheim (Augraben).

Carte GeoPortail : lit du Liesbach après deviation

Avant la construction du Terminal cargo, il passait sous l’actuel entrepôt à l’emplacement de l’ancienne aire d’exercice anti-incendie.

Carte montrant l’ancien lit du ruisseau Liesbach passant sous l’actuel terminal cargo.

En octobre 2023, le puits de captage de « l’aéroport » a été déconnecté du réseau de distribution de l’eau potable en raison d’une pollution aux PFAS et fermé définitivement.

Cependant il est à noter que le puits de l’aéroport ne se trouve pas à proximité de l’ancienne aire des exercices des pompiers. C’est pourquoi il serait utile de connaitre la concentration en PFAS de l’eau du puits de Hésingue, qui se trouve au sud du terminal cargo.

L’aéroport a mis ses installations de recueillement, de traitement et d’évacuation des eaux de ruissellement tardivement en conformité. Quand ?
« Actuellement, les exercices effectués par les pompiers sont réalisés sur une surface étanche. La zone où se déroulent les essais est de plus raccordée au réseau d’eaux usées, les eaux sont donc redirigées lors des essais vers la station d’épuration de Village-Neuf » (Euroairport, Jean-Marc Dorsaz, mail du 14.12.2023)

 

Contamination des eaux de surface

Nous avons comparé la somme des 17-19 PFAS dans l’Augraben, alimenté par le Liesbach, avec la somme des 16-17 PFAS d’un ruisseau parallèle, éloigné de 15 km au Nord à Landser (Riedgraben / Niedermattgraben) : le résultat est sans appel.

Sources :CNRS Data Hub

Même si la comparaison est hasardeuse, toutes les eaux de surface dans la région proche (y compris dans le canton de Baselland) ont des niveaux de PFAS équivalents ou inférieurs à ceux du Riedgraben.

 

Note sur la réhabilitation des sols
La réhabilitation des sols comprend l’excavation et l’élimination ou l’incinération hors site, le lavage des sols, la stabilisation et les confinements (y compris la mise en décharge contrôlé ISDND1 & ISDD2). Dans le cas de pollutions par des PFAS, les traitements sont souvent assez couteux, notamment lors des aménagements des sites, car l’élimination des terres excavées n’est pas facile du point de vue de la faisabilité économique.

Il est légitime de se demander que sont devenues les terres contaminées sous l’entrepôt du terminal cargo ?

Pays-Bas : des PFAS sous le tarmac (Aéroport de Schiphol)
Arte a publié un reportage sur la pollution aux PFAS des terres, de l’air et de l’eau autour de l’aéroport de Schiphol. Le traitement inapproprié des sols contaminées et le traitement des terres a eu de graves conséquences sur l’environnement et la santé des riverains.
Arte Journal, 1.09.24.

 

Luttes contre la pollution

 L’eau que nous buvons

La limite de qualité est fixée à 0,1 µg/L (ou 100ng/L) pour la somme de 20 molécules dans les eaux de consommation.
Les élus de Saint-Louis Agglomération, SLA, responsables de la qualité de l’eau distribuée, la Sous-préfecture et l’aéroport, se sont concertés à ce sujet dès l’été 2023.
Veolia informait en janvier 2024 au sujet des PFAS dans un courrier adressé à tous les consommateurs, que :

« Ces campagnes de mesures réalisées par l’Agence Régionale de Santé Grand Est (ARS), Saint-Louis Agglomération et Veolia, révèlent majoritairement des concentrations supérieures à la limite de qualité fixée à 0,1 microgramme par litre pour chacun de ces deux paramètres dans l’eau alimentant votre secteur d’habitation.
En conséquence, Saint-Louis Agglomération et Veolia ont immédiatement engagé un plan d’actions comprenant :
– l’ajustement du fonctionnement des ouvrages de production d’eau (ADRA : fermeture du puits de l’aéroport, mélange de l’eau provenant de différents puits) ;
– un renforcement de la fréquence des analyses de qualité de l’eau distribuée ;
– le déploiement d’un laboratoire mobile ayant pour but de déterminer les solutions de traitement de l’eau efficaces et de retenir celle qui sera la plus adaptée à notre situation.
L’ARS, qui est l’autorité compétente, n’a pas énoncé à ce jour de préconisations particulières de consommation. Saint-Louis Agglomération et les équipes de Veolia ne manqueront pas de vous informer des éventuelles directives de l’ARS, dès qu’elles leur seront communiquées. »
Lettre de Veolia, janvier 2024.

Résultats des analyses du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, ARS.
Dans plusieurs communes, les limites sont dépassées : pour avoir accès à toutes les mesures de chaque mois, tapez sur « Bulletins précédents ».

 

Les limites largement dépassées

Somme de 20 substances perfluoroalkylées (PFAS) mesurées dans l’eau distribuée à Blotzheim : 0,432 µg/L, 432ng/L

« Paradoxalement l’eau distribuée à Blotzheim a ou avait des teneurs en PFAS encore plus élevée que le puits de l’aéroport : 0,4322 µg/L le 22.01.2024, 0,3621 µg/L le 17.04.24 (Source ARS) »

« Cette eau provient de plusieurs puits de Saint-Louis (mélange). D’où proviennent les PFAS ? Il est frappant, que les teneurs sont largement plus élevées que dans le Rhône au Sud de Lyon, où une information judiciaire pour « mise en danger d’autrui » a été

Somme des 20 PFAS les plus présents

Nous suivons mensuellement les taux des PFAS dans l’EDCH distribuée dans les communes autour de l’aéroport. A Blotzheim la somme des 20 PFAS atteignait 4x la limite de potabilité recommandée de 100ng/L. En aout ils ont fortement augmenté à Blotzheim et Saint-Louis pour atteindre respectivement 0,450 µg/L et 0,350 µg/L !

Légende: Evolution de la concentration des PFAS dans l’eau du robinet à Blotzheim et dans le réseau de Saint-Louis (communes de Buschwiller, Hegenheim, Huningue, Saint-Louis et Village-Neuf. La ligne rouge correspond à la limite de 100ng/L

 

Teneurs des 4 principaux PFAS

Selon les recommandations des autorités sanitaires, les PFOA, PFOS, PFHxS et PFNA doivent faire l’objet d’une attention particulière. Au Etats-Unis, la limite recommandée est de 4ng/L pour les PFOA et PFOS. Ici également, les limites sont largement dépassées (ligne rouge).

 

 Carte des pollutions aux PFAS du CNRS actualisée
Contrairement aux cartes publiées par LeMonde, la carte du CNRS est détaillée : elle indique la date des mesures, la référence du puits ou numéro de forage (s’il y a lieu), la localisation des eaux de surface ou de l’eau potable distribuée. Elle ajoute aux données de 2016 des résultats plus récents et surtout celles de 2024.

Carte du CNRS : PFAS Data Hub

Les données proviennent de plusieurs sources :
Ministère des solidarités et de la santé
ADES, le portail national d’Accès aux Données sur les Eaux Souterraines
APRONA, Association pour la Protection de la Nappe Phréatique de la Plaine d’Alsace

 

La surveillance des PFAS dans les denrées alimentaires

Un avis scientifique de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité des aliments) a été publié en juillet 2020. Une dose hebdomadaire tolérable (DHT) est estimée à 4,4 ng/kg de poids corporel, par semaine, pour la somme des 4 PFAS devant faire l’objet d’une attention sanitaire particulière (PFOS, PFOA, PFNA, PFHxS). L’EFSA estime qu’une partie de la population européenne est exposée à des valeurs supérieures à cette DHT.
DREAL Hauts-de-FRance

Un consommateur riverain de l’aéroport pesant 70 kg et buvant 1 litre d’eau du robinet par jour, ingurgite en moyenne hebdomadaire 1400 à 2800ngr de PFAS. Comparativement, sa dose journalière admissible de PFAS provenant des aliments, est de 308ngr (70kg x 4,4ngr/kg) selon l’EFSA. (ADRA)

Les PFAS s’invitent dans nos assiettes.
Selon un rapport du service sanitaire du Canton de Bâle-Ville, les poissons des rivières de la région Bâloise seraient impropres à la vente en raison de leur teneur en PFAS.
(PFAS in-Fischen-BS-20240924.pdf)
Trop de polluants éternels dans les poissons des rivières
« Les deux cantons bâlois ont analysé des poissons pêchés dans leurs fleuves et rivières, pour mesurer leur contamination aux Pfas, les polluants éternels. Résultat : les normes européennes sont dépassées dans un cas sur huit. »
L’Alsace, Jean-Christophe Meyer, 25.09.2024

 

Mélanger l’eau pour diluer la pollution ?

Quelles sont les mesures mises en place ou envisagées par les autorités et responsables ?

Un jeu de billard à trois bandes ?

Les valeurs élevées de PFAS dans l’eau à Blotzheim ne proviennent pas du puits Kabis sis sur la commune. L’eau du puits Kabis, peu contaminée en PFAS, est mélangée à celle des puits de Saint-Louis Neuweg, fortement pollués, pour abaisser le niveau en PFAS et alimenter le réseau de distribution de Saint-Louis.
Blotzheim est alimenté par les puits de Saint-Louis Neuweg. Les PFAS dans cette eau proviennent des eaux souterraines qui s’écoulent du nord et d’une partie du Sundgau surélevé (donc aussi de l’aéroport).

Ironie du sort, Neuwiller, a été rattaché récemment au réseau de distribution de Saint-Louis, parce que sont puits de captage était chargé en Chrome 6 (selon les autorités, une pollution naturelle provenant des roches du Jura). Résultat, Neuwiller (et Buschwiller) reçoivent la même eau que Saint-Louis.

Saint-Louis agglomération : tous ensemble pour que l’eau de Neuwiller soit plus potable (?)
L’Alsace, Jean-Francois Ott, 13.04.2022.

Avec du recul, ce titre était prémonitoire, car avec ce raccordement l’eau de Neuwiller est juste un peu plus potable. Blasé, on pourrait titrer aujourd’hui : « Quoi de mieux, un peu de chrome 6 ou de PFAS ? ».

Station de pompage de Blotzheim, puits Kabis.

Lorsque l’eau n’est plus prélevée dans un puits, elle migre vers les autres puits. On peut supposer que l’eau du puits de l’aéroport fermé migre vers les puits de Saint-Louis-Neuweg, dont l’eau est mélangée et distribuée à Blotzheim.

Le mélange de l’eau de différents puits est une méthode courante pour abaisser la teneur des polluants, mais il ne fait que reporter géographiquement le problème. En effet, l’eau n’étant plus prélevée dans un puits, elle migre vers les autres puits. Voir sur la carte ci-dessus l’orientation des flèches rouges de l’aéroport vers la plaine de l’Au, vers les 2 puits de Neuweg, rue des Muguets (station de dénitratation) et rue des gravières (près de l’aire des gens du voyage).
Ce processus de mélange n’est pas stable et uniforme. Les teneurs varient selon les niveaux de la ressource, le taux d’apport de chaque puits (proportion du mélange) et de la localisation des consommateurs par rapport aux puits et au réseau de distribution.
Les valeurs peuvent également varier en fonction de la saison (augmentation de la consommation, donc des prélèvements) et de la quantité de pluie.
Assainir un puits de captage c’est assainir l’eau souterraine. Opération fort couteuse et techniquement complexe.
Pour protéger les captages d’eau situés plus au nord-est, il faudrait continuer de pomper l’eau du puits de l’aéroport, fortement contaminé. La possibilité d’évacuer l’eau via une station d’épuration dépend de la teneur en PFAS et de l’incinération ou non des boues d’épuration.

Depuis janvier 2024, les teneurs en PFAS des eaux distribuées varient fortement d’un mois sur l’autre. Le mélange des eaux de différents puits a ses limites.

« La pollution des eaux souterraines est un problème général et durable. Les collectivités locales doivent mettre en place un programme de sauvegarde de l’eau. La France et l’UE veulent interdire les PFAS dans la fabrication en 2027. »

 

Autre fausse bonne solution
Dans la région, ou les pollutions des puits sont récurrentes, les services de distribution de l’eau (communes et agglomérations) ont tendance à simplement fermer les puits de captage trop pollués et d’en creuser de nouveaux.
L’Alsace, Sabine Hartmann, 27.10.2020

L’ARS Grand Est tolère donc que l’eau distribuée dépasse les valeurs limites et largement supérieures aux valeurs de l’eau distribuée dans le département du Rhône (voir plus haut).

Le puits de l’aéroport a été fermé prématurément et définitivement en octobre 2023. Sa fermeture était prévue courant 2024. Les raisons réelles de sa fermeture nous sont inconnues.

S’agissant d’un bien commun, gérer la pollution des eaux souterraines par la fermeture d’un puits n’est pas acceptable. Surtout, qu’en l’absence de mesures efficaces, la pollution continue de contaminer les autres puits.

 

Le traitement de l’eau en région Bâloise : exemplaire !

Le sous-sol de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne ressemble au nôtre entre Huningue et Saint-luois : il a notamment été pollué par l’enfouissement de déchets industriel de la chimie au 20ème siècle. Plusieurs dépôts, ayant servi à combler des gravières, sont bien connus à Muttenz, Pratteln, ainsi que sur le site historique de Sandoz/Novartis à la frontière franco-Suisse : somme de 8 PFAS mesuré par l’APRONA le 19/09/2016 : 569 ng/L.

En conséquence de quoi, l’eau de la nappe rhénane ne peut pas être consommée tel quel. Les services des eaux de Bâle-Ville et de Bâle-Campagne ont mis en place un système ingénieux de filtration naturelle et de traitement. En résumé, l’eau du Rhin ou de la Wiese alimentent des zones protégées de captage dans la forêt de la Hardt à Birsfelden et à Riehen. L’eau s’infiltre naturellement dans le sol puis est soutirée dans la nappe en profondeur. En même temps, cet apport massif d’eau dans les couches gravillonnaires crée une surpression (un dôme d’eau souterrain), qui évite la migration de la pollution des dépôts alentours. Avant d’être distribuée, l’eau captée est traitée (ozone, peroxyde et filtres à charbon actif) : somme de 15 PFAS, max. 1 ng/L, PFBS, max 1 ng/L (Perfluorobutansulfonic).

Comparativement, les consommateurs français peuvent ressentir de la colère face à l’absence de traitement de l’eau digne de ce nom qui leur est distribuée au robinet.

Autre comparaison avec l’eau du Rhin près du Palmrain à Village-Neuf : mesure unique du 05/02/2021 par l’office fédéral suisse de l’environnement, somme de 29 PFAS 4.0 ng/L, PFOS 4.0 ng/L. Selon les mesures allemandes, la moyenne annuelle des PFOS dans le Rhin en 2021 étaient de 2.0 ng/L.

 

Une recherche des PFAS systématique dans l’eau à partir du 1er janvier 2026

A partir du 1er janvier 2026, les PFAS seront intégrés aux programmes réglementaires de contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH).
Toutefois, depuis le 1er janvier 2023, toute situation de dépassement de la limite de qualité mise en évidence doit être prise en compte. ARS Auvergne-Rhône-Alpes

En cas de non-conformité, l’ARS alerte la personne responsable de la production et de la distribution de l’eau (PRPDE), qui doit prendre des mesures de retour à la normale. L’ARS, en lien avec le préfet du département concerné, l’accompagne si besoin et assure un suivi de chaque situation de non-conformité, en réalisant notamment de nouvelles analyses. DREAL Auvergne-Rhône-Alpes

« L’ARS Grand Est tolère donc que l’eau distribuée dépasse les valeurs limites et largement supérieures aux valeurs de l’eau distribuée dans le département du Rhône (voir plus haut). »

Le puits de l’aéroport a été fermé prématurément et définitivement en octobre 2023. Sa fermeture était prévue courant 2024. Les raisons réelles de sa fermeture nous sont inconnues.

« S’agissant d’un bien commun, gérer la pollution des eaux souterraines par la fermeture d’un puits n’est pas acceptable.  Surtout, qu’en l’absence de mesures efficaces, la pollution continue de contaminer les autres puits. »

 

Les couts de la dépollution

REVUE DE PRESSE

Restaurer l’environnement a un coût

Dépollution de l’eau de MGL
La justice a ordonné le lancement d’une expertise indépendante pour évaluer la responsabilité des industriels Daikin et Arkema dans la pollution aux PFAS dans la « vallée de la chimie » (Rhône)

Le président de la Métropole Grand Lyon, Bruno Bernard… souligne que, sur son territoire, « le coût des investissements pour traiter la pollution de l’eau par les PFAS s’élève à 5 millions d’euros d’investissements et engendrera un surcoût annuel allant jusqu’à 600 000 euros à partir de 2026 ». « Faute de responsabilités engagées, ce sont les contribuables qui ont jusqu’ici payé l’addition » , selon l’élu écologiste, qui salue un « précédent juridique » allant dans le sens de l’application du « principe pollueur-payeur ».
Reporterre, 27.08.24

 

Métropole Grand Lyon : Plan d’actions en 3 phases pour lutter contre les « polluants éternels ».
La Métropole de Lyon, Eau Publique du Grand Lyon et le Syndicat Rhône-Sud assignent
Arkema et Daikin devant le tribunal judiciaire de Lyon au nom du principe de pollueur-payeur.
Les mesures prises par la Métropole Grand Lyon sont « classiques » :
1) Mélange des eaux de plusieurs captages : 37 000 habitants concernés.
2) Construction d’une unité de filtration et de traitement au charbon actif
3) Interconnexion des réseaux : 60 000 habitants concernés.
Les investissements à réaliser sur l’usine de production de Rhône-Sud pour abaisser la concentration en PFAS sont estimés à 5 millions d’euros pour les deux ans à venir. Viennent ensuite s’ajouter les coûts de fonctionnement (remplacement des charbons actifs), évalués à 300 000 euros par an de 2024 à 2026, puis de 600 000 euros par an à partir de 2026.
CP de la Métropole Grand Lyon, 20.06.2024.

En d’autres lieux, quand des captages sont trop pollués, on se contente de les fermer et on recherche d’autres points de prélèvement.

 

Faire appliquer le principe pollueur-payeur

  238 milliards par an pour éliminer les PFAS en Europe
Face à ces coûts de traitement, … certaines communes ne restent pas passives. A l’été 2024, le tribunal judiciaire de Lyon a accepté un référé déposé par l’agglomération lyonnaise (MGL). Son but : lancer une expertise pour savoir quelles pollutions ont généré les industriels de la vallée de la chimie sur leurs captages d’eau potable. A travers cette démarche, il s’agit d' »appliquer le principe pollueur-payeur », estime Maitre Antoine Clerc, avocat chez Hélios associés à Lyon qui conseille des collectivités locales sur le sujet. « On voulait mettre un pied dans la porte pour ouvrir la voie à d’autres collectivités », explique Anne Grosperrin, en charge du cycle de l’eau à la métropole de Lyon.

Afin d’éviter d’éventuelles procédures judiciaires, « certains industriels prennent les devants et proposent spontanément de financer une partie de la dépollution », poursuit l’avocat Antoine Clerc.
Source : Eau du robinet : la carte de France de la contamination aux polluants éternels
Article rédigé par la Cellule investigation de Radio France, Anne-Laure Barral, 19.09.24.

Qualité de l’eau du robinet :
L’enquête de France bleu Alsace à Strasbourg, 19.09.24

Rapport sur l’état des services publics
En dépit du principe du « pollueur-payeur », les ménages supportent l’essentiel des coûts liés à la pollution de l’eau, principalement induite par les activités industrielles et agricoles.
En effet, ce sont les factures d’eau dont s’acquittent les ménages (coût du service et redevance aux agences de l’eau) qui permettent notamment de financer les usines de traitement de l’eau et les agences de l’eau, chargées de protéger l’eau et les milieux aquatiques.

Le surcoût représenté par les pollutions agricoles pour les ménages est estimé à plus d’un milliard d’euros par an, soit des dépenses supplémentaires annuelle pouvant s’élever jusqu’à 215 € par personne dans les zones les plus polluées.

Ces chiffres illustrent la nécessaire application du principe pollueur-payeur afin de rééquilibrer les charges et les responsabilités. Dans un contexte où les tensions liées au partage de cette ressource s’accroissent, une juste répartition de l’effort financier est indispensable pour inciter les industriels et les agriculteurs à diminuer leurs pollutions.
Nos Services publics, Rapport sur l’eau, 24.09.2024

Face au changement climatique, des fonctionnaires appellent à « un partage de l’eau »
Dans un rapport publié ce mardi, le collectif Nos services publics invite à repenser les services publics à l’aune du changement climatique. La gestion de l’eau représente un des enjeux majeurs, alors que la ressource en eau se raréfie.
L’Alsace, Cyrielle Thevenin 25.09.2024

 

La dépollution de l’eau, un marché convoité

Dépolluer, oui, mais aux frais de qui ?
Rappel, c’est Veolia, qui par délégation de service public de Saint-Louis Agglomération, distribue l’eau à Saint-Louis et aux communes alentour. La délégation prend fin ces prochains mois et sera renégociée.

Veolia conclut sa campagne de détection des PFAS dans l’eau potable en France et renforce son arsenal de solutions
Ce 4 septembre tous les médias en parlent !
Veolia se veut rassurant ; la presque totalité de l’eau distribuée est « potable », cad les polluants, dont les PFAS, sont en-dessous des seuils réglementaires. Pour les 1% restant, Veolia propose des solutions aux réseaux de distributions concernés.

– Veolia dresse un état des lieux de la présence des 20 PFAS réglementés dans l’eau potable en France, anticipant l’obligation des autorités sanitaires
– Le Groupe a analysé plus de 2 400 points de production d’eau potable qu’il gère et
couvrant plus d’un tiers de la population française
– Veolia a décidé d’investir dans un dispositif de solutions avancées inédit qui compte
plus de 30 unités de traitement mobiles pour apporter une réponse adéquate en cas
d’émergence des pollutions sur le territoire.
Véolia France, Communiqué de presse du 4 septembre 2024

Pollution dans l’eau du robinet : Veolia assure que ses points de prélèvements sont « en conformité »
Le distributeur d’eau publie ce mercredi 4 septembre les conclusions d’une campagne d’analyses sur les PFAS, polluants éternels. Selon elle, la quasi-totalité des mesures réalisées sur des sites desservant 20 millions de personnes respecte les normes.
Mais la menace sanitaire n’est pas pour autant écartée quand on sait que plus de 4 700 de ces molécules se retrouvent dans l’eau du robinet. En Europe, les PFAS sont présents dans les eaux (qu’elles soient de surface, souterraines, potables…), l’air, le sol, les plantes et les organismes terrestres. Début juillet, une campagne de test menée par le réseau d’ONG Pesticide Action Network à l’échelle européenne révélait «des niveaux alarmants de contamination par l’acide trifluoroacétique (TFA) – un autre PFAS».
Libération, 4.09.24

PFAS : Veolia ausculte l’eau potable que le groupe distribue
Le groupe a annoncé avoir investi dans des équipements de traitement pour se tenir prêt pour les eaux qui dépassent les seuils.

En effet, en cas de dépassement des seuils de qualité, les collectivités ont trois ans pour redresser la barre dans le cadre de dérogations. Plusieurs choix s’offrent à elles : la recherche d’un autre point de captage ; la dilution avec une autre ressource pour passer sous les seuils ; ou effectivement un traitement,…

Dans la quête pour une eau la plus préservée possible, la protection à la source est vue en France comme un des leviers efficaces. Mais pour l’instant, il peine à être réellement activé. Concernant les PFAS, une proposition de loi en discussion souhaite limiter ou interdire certains PFAS. Celle-ci est aujourd’hui suspendue, dans l’attente notamment d’un Gouvernement.
Actu Environnement, Dorothée Laperche, 4.09.24

Veolia : des polluants éternels dans l’eau du robinet
Interview de Veolia, qui a procédé à 2400 prélèvements en France. L’eau serait conforme pour 99% des points de production. Veolia a confirmé deux points noirs, dans le Rhône et l’Est, mais sans nommer les communes concernées (La réponse se trouve dans le communiqué de l’ARS ci-après).

Quand Veolia dit que « l’eau n’est pas polluée », cela signifie plus précisément que les polluants ne dépassent pas les limites réglementaires.

FRANCE INTER Journal 08h00 du mercredi 04 septembre 2024 : Ecouter le journal entre 1’25 et 3’50.

Veolia dépollue à Metz
200.000 clients de Veolia sont concernés par une eau trop chargée en PFAS. Pour distribuer une eau potable en-dessous du seuil réglementaire, Veolia investi plusieurs millions dans une usine de dépollution pour traiter l’eau au charbon actif. Le syndicat des eaux fait face à des coups de mise en conformité de plus en plus élevés et cherche à partager la facture entre consommateur et pollueurs. La fermeture des puits et le mélange des eaux de captage doit rester une solution temporaire (Retranscription libre par ADRA).
FRANCE INTER Journal 13h00 du mercredi 04 septembre 2024

 

PFAS : focus sur les situations locales

Ce 4 septembre, même l’ARS communique et rappelle des éléments déjà connus :

L’ARS Grand Est a mené, à la fin du printemps 2023, une première campagne d’analyse des PFAS sur certaines unités de distribution d’eau de la région pour anticiper l’obligation réglementaire de surveillance qui interviendra en 2026.

Secteur de Saint-Louis
Les résultats de la campagne 2023 ont fait apparaître des dépassements de la valeur réglementaire sur plusieurs communes du secteur de Saint-Louis. Les valeurs mesurées par l’ARS en distribution pour la somme des 20 PFAS sont comprises entre 0,1 et 0,43 µg/l.
Mesures de gestion prises :
– Un comité de pilotage a été constitué autour du sous-préfet de Mulhouse et l’ARS a demandé à la collectivité et au responsable de la production et de la distribution d’eau de prendre les mesures nécessaires pour rétablir au plus vite la qualité de l’eau :
– Un suivi renforcé a été mis en place en collaboration avec Veolia, le délégataire de service public de l’agglomération, et Saint-Louis Agglomération (SLA), pour que soit effectué des investigations complémentaires sur les différentes ressources et réseaux concernés.
– Des premières mesures ont été prises rapidement afin d’utiliser les meilleures ressources disponibles et de réduire significativement la présence de ces molécules dans l’eau distribuée.

L’ARS diligente actuellement des analyses pour évaluer l’efficacité du plan d’action de la collectivité. Veolia a informé les consommateurs sur les démarches entreprises et recherche une solution technique pérenne adaptée.
Dans l’attente des résultats des analyses de l’ARS et des expertises nationales de l’ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et du HCSP (Haut Conseil de la santé publique) à venir, aucune restriction de consommation n’est prononcée par le préfet du Haut-Rhin. Communiqué de l’ARS, 4.09.24

 

COMMENTAIRES

Comparaison avec le réseau de distribution SERM de Metz
Dans ce communiqué l’ARS nous apprend que la station Saint Eloy, la plus polluée en novembre 2023, présentait 0,132 µg/L pour la somme des 20 PFAS. Mais ces taux ont très largement baissé : dernier prélèvement effectué en avril 2024, 0,0186 µg/L.

Dans les Ardennes, secteur de Vireux-Molhain (08), les valeurs mesurées en 2023 par l’ARS en distribution pour la somme des 20 PFAS étaient comprises entre 0,17 et 0,19 µg/L. Après l’arrêt d’un des puits, on observe un retour à la conformité pour la somme des 20 PFAS dans l’eau distribuée (0,01 µg/L).

Que se soit à Metz ou à Pierre Bénite, les taux de PFAS sont très nettement inférieurs aux taux à Saint-louis. Alors on attend quoi ici ?

 

Recherche des responsabilités

Étonnamment, alors que nous avons affaire à un problème sanitaire et économique, les habitants des 3 Frontières ont peu ou pas réagi aux communiqués de Veolia, de l’ARS et de SLA. Alors les « écolos de service », vilipendés par ailleurs, prennent leur responsabilité et agissent en informant et lancent des actions médiatiques.

Chaque pollution impacte l’environnement au sens large et ceux qui y vivent et en dépendent. Elle a des effets sur l’écosystème, mais également sur l’économie et la santé. Chaque pollution à une origine et donc un responsable. Elle entraîne des victimes qui sont privées de leur droit constitutionnel à vivre dans un environnement sain et paient les coûts de dépollution.

Pour que la recherche de responsabilité se fasse sérieusement, cad qu’il y ai enquête pour l’identification du ou des responsables de l’infraction, il faut qu’il y ait constitution de partie civile de ceux qui ont « intérêt à agir » et donc plainte contre X, en commençant par les élus responsables de structures de distribution d’eau, les consommateurs par le biais de leurs associations ou plus tard, les associations de défense de l’environnement.

 

Bientôt le principe du pollueur-payeur appliqué ?

L’affaire de la métropole du Grand Lyon contre Arkema et Daikim est pleine de rebondissements et loin d’être terminée (Voir plus haut). Mais son évolution se précise …

Polluants éternels : la justice ordonne une expertise sur le rôle des groupes industriels Daikin et Arkema, près de Lyon
Arkema et Daikin pointent l’absence de loi qui interdisent les PFAS
« Pour la première fois, des entreprises sont nommées et on va chercher leur part de responsabilité dans cette pollution », a déclaré à l’AFP le président de la Métropole de Lyon, l’écologiste Bruno Bernard, saluant une « décision historique ».

A terme, la Métropole compte leur demander d’indemniser le surcoût lié au traitement de l’eau courante, évalué entre 5 et 10 millions d’euros pour faire repasser l’eau courante destinée à ses habitants sous le seuil de référence européen.

Lors de l’audience en mai au tribunal correctionnel de Lyon, les avocats d’Arkema et Daikin avaient demandé au juge de rejeter la demande d’expertise, mettant notamment en avant l’absence de loi interdisant les PFAS.
FranceInfo avec AFP, 6.08.2024

Ne devenons pas des pollués-payeurs

Loi Industrie verte : 3 décrets jugés « illégaux » par des associations
Les décrets d’application de la loi Industrie verte avaient été publiés discrètement pendant les élections législatives, entre fin juin et début juillet. Des associations de protection de l’environnement les attaquent en justice, jugeant les textes « illégaux ». Notamment en raison de l’affaiblissement du principe fondamental du « pollueur-payeur. »
Reporterre, 10.09.24

Le convoi de l’eau – Alsace, du 18 au 20 mai 2024.
De Stocamine, où sont enterrés plus de 42000 tonnes de déchets hautement toxiques, au Parlement européen de Strasbourg, où se décident les politiques cadres sur l’eau, en passant par Fessenheim et le Ried, nous dessinons, à vélo, un autre avenir pour la planète et notre territoire, plus juste plus résilient, plus respectueux du vivant.
Nous, citoyens et citoyennes engagé.e.s, affirmons que la question de l’eau est un enjeu majeur des politiques européennes et doit être placée au centre du débat !
Convoi de l’eau – Alsace sur facebook

 

Mesures nécessaires et plan d’action

• Comme au sud de Lyon, il est nécessaire d’analyser les denrées alimentaires. En particulier, les poissons sont connus pour accumuler la substance très toxique PFOS, qui a été trouvée en forte concentration dans l’Augraben et certainement aussi dans les endroits où l’eau de surface est alimentée par les eaux souterraines contaminées.

• Pour mieux comprendre l’ampleur du problème et proposer des solutions efficaces, la source de la contamination doit être localisée au plus vite. Tels que des analyses de l’eau du Liesbach en aval de l’aéroport et juste après.

• Les informations sur la contamination doivent être rendues publiques de manière claire et compréhensible. De nombreuses analyses de PFAS ont été réalisées dans notre région. Le grand nombre d’organismes impliqués, sans coordination apparente, et leur manque de transmission de toutes les données dans une base bien organisée, ne permettent pas d’y voir clair.

Par conséquence et à ce jour, plusieurs points de la promesse du Ministère de la Transition écologique français dans leur plan d’action PFAS 2023-2027 sont peu tenus dans la région des trois frontières :

• Axe d’action 3 : Améliorer la connaissance des rejets et de l’imprégnation des milieux, en particulier des milieux aquatiques, pour réduire l’exposition de la population

• Axe d’action 5 : La transparence sur les informations disponibles

 

 L’EAU souterraine n’a pas de frontière

Les conséquences de la pollution aux PFAS sont importantes : effet sur la santé, dommages écologiques, contamination de l’eau (l’eau est un bien commun), impact économique (coûts élevés pour purifier l’eau et pour décontaminer les sols), dénaturation de l’eau par les traitements pour la rendre potable, …

« Ne sacrifions pas le bien-être et la santé de milliers de riverains de l’aéroport au profit d’intérêts à court terme et d’une vision dépassée du développement économique. »

 

Remerciements

Cet article a pu être rédigé grâce au travail et aux contributions de nombreux organismes, associations, chercheurs, journalistes, militants, qui œuvrent pour une meilleure connaissance de la pollution de l’eau par les PFAS. En particulier, je remercie, Beat Freiermuth, membre de l’ADRA, pour ses investigations et le partage de ses connaissances.

Bruno Wollenschneider
Président
ADRA